Clémence Sanou Ariste, experte en éducation, a débuté comme professeur avant de s’investir pleinement dans la gestion de projets relatifs à la scolarisation des filles. Depuis 2019, elle est directrice terrain du Projet d’appui aux réformes institutionnelles et techniques pour l’équité (PARITÉ*).
Clémence Sanou Ariste est née dans une famille de onze enfants au cœur et à l’esprit ouverts. Sa mère travailleuse dans le milieu de la santé, puis sage-femme, était connue et reconnue pour son aide à donner la vie. « C’était une femme battante. Je peux dire que cela m’a influencée à être quelqu’un d’autonome ». Elle a eu la chance d’avoir un père exerçant dans le domaine de la santé qui faisait de l’éducation de tous ses enfants une de ses priorités majeures. Il avait foi en ses filles.
Mon père a tenu à ce que nous fassions les meilleures études, jusqu’à l’université. A ceux qui disaient : ceux qui n’ont pas de garçon, le nom va se perdre. Il répondait : Donnez une bonne éducation à vos filles, c’est votre nom qui sera porté partout.
Fidèle à la tradition familiale, alors qu’elle étudie au secondaire, Clémence Sanou Ariste donne bénévolement des cours du soir à des adultes non scolarisés. Après sa maîtrise, elle devient enseignante dans une école privée. Puis grâce au programme Canadien de bourses de la francophonie, elle obtient un doctorat en éducation, option andragogie, à l’Université de Montréal. Elle décide ensuite de travailler dans le milieu des ONG et coordonne des projets dédiés à l’amélioration de l’accès et du maintien des filles à l’école. Elle travaille pour différents organismes dans des programmes d' éducation dont Catholic Relief Services (CRS), le projet Burkina Response to improve Girls Chances to Succeed (BRIGHT), le projet VAS Y FILLE ! : Value Added to Girls’ Schooling avec Save the Children International (SCI) en République démocratique du Congo et part au Mali pendant deux ans travailler pour Education Development Center.
Cette année, au Burkina Faso, le thème national pour le 8 mars a pour intitulé : les défis sécuritaires et sanitaires, quelles stratégies pour une meilleure protection des femmes.
D’ailleurs, pour Clémence Sanou Ariste, un défi majeur auquel le système éducatif doit faire face depuis 2015 est l’insécurité. Au 31 janvier 2022, selon les chiffres du ministère de l’Éducation, 3 405 écoles sont fermées soit un peu plus de 13% des infrastructures scolaires en raison des attaques armées. Les services sociaux, les structures éducatives et de la santé sont attaqués. Il y a un déplacement interne de la population d’environ 1 500 000 personnes actuellement. « Cela pèse fortement sur l’éducation car les camps de déplacés viennent aggraver les effectifs pléthoriques et les abandons surtout pour les filles. C’est la porte ouverte à toutes sortes de vices, à la prostitution et aux violences basées sur le genre. »
Le Burkina Faso, comme d’autres pays, sous l’impulsion des partenaires techniques et financiers a mis en place des plans décennaux de développement de l’éducation de base depuis 1995. Aujourd’hui, le taux de scolarisation brut est d’un peu plus de 92% et dans certaines régions les filles sont plus nombreuses que les garçons, prouvant les résultats positifs des stratégies d’amélioration de l’accès et du maintien des filles à l’école depuis les années 1999-2000. Mais des enjeux éducatifs majeurs persistent. Le PARITÉ tente d’y répondre. Clémence Sanou Ariste a pour rôle de coordonner l’ensemble des activités de l’équipe technique et la gestion du projet au Burkina Faso.
« Nous faisons face à une dégradation de la qualité de l’éducation avec des jeunes en fin de post primaire qui peinent à comprendre des textes courts qu’ils lisent. Les effectifs pléthoriques, le manque ou l’insuffisance de matériel didactique, le faible niveau des enseignant-e-s eux-mêmes sont, entre autres, des facteurs de détérioration de la qualité des apprentissages. Il y a de gros défis en termes de qualité et d’accès avec des disparités régionales. »
Le but ultime du projet est l’amélioration de la qualité de l’éducation avec pour résultats intermédiaires d’améliorer les pratiques professionnelles du ministère de l’éducation nationale et de la promotion des langues nationales (MNAPLN).
Nous avons un volet lié à la gestion des finances de l’éducation pour la rendre plus inclusive et plus transparente. On travaille à accroître les capacités du ministère, à réduire les disparités d’accès liées au genre, à soutenir l’amélioration des apprentissages notamment chez les filles, en prenant en compte la notion d’équité de genre dans l’éducation de base. Enfin, il s’agit d’assurer une gestion efficace et saine des finances de l’éducation et la passation au niveau des marchés au niveau central comme déconcentré.
À l’année deux du PARITÉ, les capacités du personnel d’encadrement ont été renforcées ainsi que la prise en compte de l’équité de genre dans l’encadrement. Clémence Sanou Ariste signale qu’il y a peu de femmes cadres ou dans des postes de direction au niveau du personnel du ministère. Bien que nombreuses dans le corps enseignant, elles se font rares dans le corps des directrices d’école ou de l’encadrement pédagogique. Une étude sur l’équité en emploi sur les aspects de promotion des femmes à des postes de direction au sein du ministère de l’Éducation a été commanditée.
Clémence Sanou Ariste préconise de donner plus de pouvoir à la direction de la promotion de l’éducation des filles, qui certes travaille dans les aspects stratégiques d’amélioration de l’accès, du maintien et de la rétention des filles à l’école, mais est oubliée dans certains secteurs. « Par exemple, quand il faut élaborer du matériel d’apprentissage ou d’enseignement, cette direction n’est pas suffisamment sollicitée à temps dans les processus et pourtant elle doit apporter son appui pour que les aspects genre soient pris en compte à tous les niveaux et dans tous les secteurs du système éducatif. »
Clémence n’a eu de cesse de travailler pour l’accès de tous et toutes, surtout les filles, à une éducation de qualité inclusive dans son pays.
Ma mission prend tout son sens aujourd’hui comme moyen de protéger les droits des femmes face aux attaques des groupes terroristes armés contre les structures éducatives.