Par Élizabeth Laval, volontaire du programme Uniterra
Le Forum Social Mondial (FSM), ce grand rassemblement de la société civile qui permet aux voix de milliers de citoyens et citoyennes du monde d’être entendues, s’est tenu à Montréal du 9 au 14 août 2016. Inauguré en 2001 à Porto Alegre au Brésil et faisant contrepoids au Forum économique mondial qui se déroule chaque année à Davos en Suisse, ce rendez-vous des peuples est aujourd’hui un catalyseur d’alternatives à une mondialisation inégale, marginalisante et destructrice pour l’environnement. Le choix de tenir le FSM 2016 dans un pays dit « occidental » avait notamment pour objectif de rompre la barrière cloisonnant insidieusement le Nord et le Sud. Comme l’a si bien verbalisé Raphaël Canet, co-coordinateur du FSM dans le cadre de la conférence L’Âge de l’Humanité, « il n’existe pas de mondes développé et sous-développé, il n’y a qu’un seul monde mal développé ». En d’autres termes, les relations de solidarité doivent pouvoir se tisser tous azimuts, Sud-Sud, Nord-Nord, Sud-Nord, Nord-Sud, et voire même sortir du cadre préconçu par les axes cardinaux.
Œuvrant depuis plus de 50 ans à la construction d’un monde meilleur et solidaire, le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI) s’est joint à cette importante réunion. Entremêlées à cinq jours d’échanges, d’apprentissages et d’engagement dans plusieurs activités de solidarité, les contributions du CECI ont surtout abordé les questions du commerce équitable et de la coopération volontaire internationale.
Antonia Rodríguez Medrano, rassembleuse universelle
Au cœur de la participation du CECI au FSM 2016 figure un visage humain, à la fois sage, humble et affable. C’est celui d’Antonia Rodríguez Medrano, co-fondatrice de l’association de production artisanale textile Asociación Artesanal Boliviana Señor de Mayo (ASARBOLSEM) et ex-ministre du Développement productif et de l’économie plurielle de la Bolivie.
Le choix de cette invitée d’honneur a été fort judicieux, s’avérant même un véritable fil conducteur de nos activités. Incarnant le travail effectué par le CECI dans différentes régions du monde, Antonia et son association ASARBOLSEM contribuent énergiquement à la réduction de la pauvreté dans sa communauté ainsi qu’à la lutte contre toute forme de discrimination, particulièrement celle causée envers les femmes. De plus, Antonia a accumulé plus de 20 ans d’expérience dans le mouvement du commerce équitable, un élément phare dans les efforts actuels du CECI et du programme de coopération internationale volontaire Uniterra, (géré conjointement avec l’EUMC), pour impulser une croissance économique plus inclusive.
Des multiples rencontres que son passage a engendré depuis la grande marche d’ouverture du 9 août, jusqu’aux conférences et ateliers qui ont sollicité ses interventions, Antonia a su enrichir l’expérience du CECI et de bien d’autres participants/tes par l’apport de ses idées, de ses convictions et de son humanisme.
Revitaliser le mouvement du commerce équitable
Ayant fait l’objet d’une douzaine d’ateliers, le commerce équitable a donc occupé une place de choix dans l’engagement du CECI au FSM. Une journée complète de sensibilisation sur la notion du commerce équitable a été organisée à la Maison du développement durable le jeudi 11 août. Elle débuta par un atelier Les enjeux de la filière cacao-chocolat : vers une alternative équitable, qui permit aux participants/tes de prendre conscience des dynamiques de pouvoir profondément inégalitaires qui sous-tendent la dite filière, ainsi que du potentiel du commerce équitable pour inverser cette tendance. Elle a été suivie par la conférence Commerce équitable : témoignages croisés de partenaires internationaux, organisée en partenariat par Équiterre, FEM International, l’Association québécoise de commerce équitable, La Siembra (Cocoa Camino) et Artisans du Monde France. Cette conférence a entre autres mis de l’avant les expériences et revendications des représentants/tes d’organisations partenaires du CECI en Amérique du Sud, soit l’association bolivienne ASARBOLSEM et la coopérative péruvienne Norandino. Un défilé de mode éthique proposé par la boutique ETHIK BGC/ FEM International a finalement clôturé cette journée d’activités haute en couleurs!
Dans cette même perspective, un kiosque a été aménagé sous le chapiteau Commerce équitable et alimentation au parc Jarry où s’est tenue la Foire Écosphère les 13 et 14 août. En plus des échanges suscités, celui-ci fut l’occasion de faire la promotion des produits équitables d’ASARBOLSEM aux côtés de différents partenaires dont Dix Mille Villages et Karité Delapointe.
Multiples sont les retombées pour le CECI de cette participation au FSM 2016. La sensibilisation du public quant à l’importance de nos choix en tant que consommateurs et consommatrices, la mise à jour des tendances actuelles du commerce équitable, le renforcement des liens avec des partenaires de longue date, l’établissement de relations avec de nouveaux alliés, la réflexion franche et profonde entre des acteurs diversifiés pour « repenser » et « revitaliser » le mouvement du commerce équitable, en sont quelques exemples. Les pistes de solutions identifiées seront d’ailleurs présentées sous peu sur ce blogue. Par conséquent, le FSM 2016 a non seulement été un « évènement équitable », mais il a su insuffler une inspiration au mouvement qui revendique l’importance et la nécessité d’un système économique alternatif, plus juste, plus solidaire et plus respectueux de l’environnement.
Démystifier la coopération volontaire internationale
En parallèle, le FSM a constitué une opportunité pour le CECI de démystifier auprès du public ce qu’est la coopération volontaire internationale et les formes de solidarité qui la sous-tendent.
Loin du « missionnariat », du « volontourisme » ou du « bénévolat », être coopérant/e volontaire constitue un engagement professionnel et personnel qui permet un échange d’expertise basé sur des valeurs d’empathie, de respect et de solidarité. C’est le message qu’ont transmis les quatre coopérants/tes volontaires, représentants/tes du CECI, d’Oxfam-Québec, de Cuso International et de Suco dans le cadre de la conférence La coopération volontaire : comment ça marche? Qu’est-ce que ça donne?, le 12 août. Lors de cette conférence, une éthique et une vision partagées du développement unissaient les quatre ONGs organisatrices, et quatre composantes de leur approche y ont été spécifiquement analysées : (1) l’importance du partenariat (impliquant la notion d’un développement de proximité), (2) l’approche du renforcement des capacités (notre appui permettant que nos partenaires soient les acteurs de leur projet de développement), (3) la pertinence et la signification des axes transversaux genre et environnement, et (4) l’engagement que représente la coopération volontaire avant et après un mandat.
Étant la représentante du CECI et du programme Uniterra, je fus ravie de faire partie d’un panel de communicateurs et communicatrices aussi relevé. Ainsi, nous avons transmis non seulement le fonctionnement des programmes de coopération volontaire, mais aussi notre passion pour les problématiques abordées. Le dynamisme qui caractérisa la période de questions fut particulièrement inspirant et suggéra le fort intérêt d’une cinquantaine de participants/tes présents/tes dans une salle bondée.
En parallèle aux ateliers, les 10, 11 et 12 août, le CECI accueillit le public à son kiosque d’information situé dans l’Espace Solidarité internationale, où de nombreuses animations étaient offertes au public. Plus de 200 postes à l’étranger en lien avec les programmes de volontariat Uniterra et PCV Haïti y étaient dévoilés, autant d’opportunités d’engagement en solidarité internationale. En date du 10 août, lors de la conférence Comment susciter L’engagement durable chez les gens qui vivent une expérience de solidarité internationale? (organisée par le Groupe d’entraide internationale Spirale), le Conseiller en communication Arnaud Deharte présenta également les diverses formes d’engagement possibles à plus long terme, notamment celle de la continuité d’un mandat de coopération. Bénévolat, inscription comme personne ressource pour les futurs/es volontaires, organisation d’activités de rayonnement auprès du public, ne sont que quelques exemples des pistes d’engagement proposées par le CECI et le programme Uniterra.
Ainsi, au-delà de la visibilité acquise pour ses projets et programmes, une des plus belles réussites de la participation du CECI au FSM fut sans contredit l’ensemble des activités organisées et suivies qui ont permis de promouvoir la panoplie de formes d’engagement s’offrant aux citoyens et citoyennes de ce monde.
Le FSM 2016 a clos ses activités le dimanche 14 août. L’incroyable résonnance des milliers d’idées s’entrechoquant entre elles s’est finalement tue.
Sans cesse dévoué à l’amélioration du sort des peuples, le CECI a pu élaborer, travailler et échanger avec d’autres acteurs qui croient non seulement en la nécessité, mais en la possibilité d’un monde meilleur. Cette synergie fut pour nous une réelle source de motivation et d’inspiration. Le FSM nous aura permis de prendre le pouls de la société civile de manière générale, dans la reconnaissance de la diversité et des particularités de chacun/e. Il nous aura aussi permis de consolider le mouvement pour une société plus juste et équitable, toujours grandissant. Après tout, les vraies solutions n’émaneraient-elles tout simplement pas de discussions, de délibérations, de prises de consciences entre humains qui connectent ensemble?
Le FSM ne s’arrête heureusement pas là. Effectivement, chaque participant/e repart en emportant dans ses bagages les échos de ce rendez-vous essentiel, une énergie totalement renouvelable pouvant être adaptée à sa réalité locale, appliquée dans sa communauté et partagée avec tout humain ayant à cœur l’humanité.