Par Josiah Neufeld
Le Sahel, un territoire semi-aride qui s’étend à travers le continent africain, est un point névralgique du changement climatique. Dans cette région, la pluie se fait de plus en plus rare et on connaît trop bien la sécheresse et les mauvaises récoltes. Dans les décennies à venir, on prédit que les températures en Afrique augmenteront plus vite que la moyenne mondiale, et qu’elles causeront des sécheresses, des vagues de chaleur, d’autres mauvaises récoltes, des maladies plus fréquentes chez le bétail et, enfin, qu’elles réduiront les sources d’eau potable de la région.
À cause de ces impacts climatiques, on s’attend à ce que beaucoup de personnes basculent dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire. On peut aussi s’attendre à des migrations de masse et à des conflits pour les terres et les ressources.
Toutefois, le Groupe canadien de réflexion sur la sécurité alimentaire, une coalition d’organismes canadiens de développement international, vient de produire une étude qui démontre que pour le Canada, l’approche la plus efficace est d’appuyer des projets qui permettent aux petits exploitants agricoles — les femmes en particulier — de cultiver la terre de façon plus efficace en utilisant des techniques et des technologies résilientes face au climat.
En Afrique de l’Ouest, les femmes sont particulièrement vulnérables au changement climatique. Elles doivent nourrir leur famille, mais, contrairement aux hommes, elles n’ont pas accès à la formation, à la connaissance, au financement et à la technologie.
Bintou Dramé, une agricultrice de 44 ans et mère de six enfants, est l’une de ces femmes. Elle habite à Simbadougou, un village du Burkina Faso qui est vulnérable à la sécheresse, au surpâturage et à la dégradation des sols. De plus, on y dénote une instabilité politique et sociale croissante. Sans éducation formelle, Bintou Dramé est tout de même une leader très respectée de sa communauté qui voit à ce que les jeunes filles profitent de l’éducation qu’elle n’a jamais reçue.
« Le projet IMSA nous a beaucoup aidés », confirme Bintou. « Grâce au projet, les femmes du village reçoivent plus de respect ». Elle se réfère à un projet mis en œuvre par l’organisme québécois Mission inclusion. Le projet fournit des biodigesteurs qui transforment les déjections animales en combustible pour la cuisson ou en engrais pour les champs.
L’an dernier, Bintou Dramé s’est procuré quatre chariots de bois de chauffage; cette année, seulement deux. Elle fait usage de biogaz provenant de son biodigesteur en plus d’épandre de l’engrais sur son champ de niébé. Avec l’argent économisé, elle s’est acheté un tricycle motorisé pour transporter ses produits au marché. Les femmes qui ont participé au programme ont également reçu une formation sur les techniques agricoles efficaces et elles ont restauré des terres autrefois dégradées qui sont
maintenant utilisées pour la culture.
Les chercheurs à l’ONU estiment que 65 % des terres agricoles du Sahel se sont dégradées. Un des objectifs du projet était d’aider les femmes à restaurer les terres afin qu’on puisse les cultiver à nouveau. Ce projet a aussi aidé les femmes à améliorer leur alimentation en introduisant une saine diversité alimentaire et en enseignant les méthodes de préservation des aliments. On a aussi creusé des puits dans les communautés pour que les gens aient accès à des sources fiables d’eau potable.
Sopaka Sowadogo, une autre participante au projet, a été en mesure d’ouvrir un restaurant où elle prépare, à l’aide du biogaz de son biodigesteur, des ragoûts d’igname, du riz et des soupes à la viande. Les profits qu’elle génère ainsi lui permettent d’envoyer ses enfants à l’école.
La coalition a commandé une étude indépendante de six projets agricoles en Afrique de l’Ouest. Ces projets ont amélioré l’accès des agricultrices aux ressources comme la terre, le financement, les intrants, les marchés et la formation. Mais surtout, elles connaissent maintenant les pratiques durable en agriculture.
« Nous avons constaté que des femmes autonomes, qui ont plus de contrôle sur leur ferme et sur les finances, contribuent à bâtir la résilience de leur communauté face au changement climatique », affirme Carol Thiessen, conseillère principale en matière de politiques à la Banque canadienne de grains, et coordonnatrice du projet de recherche pour le Groupe canadien de réflexion sur la sécurité alimentaire. « Les femmes sont mieux en mesure de nourrir leur famille, elles sont plus indépendantes
financièrement et elles gagnent en influence dans leur communauté ».
Des projets en Sierra Leone, au Ghana et au Mali ont contribué à former des agriculteurs qui ont maintenant des cultures résilientes face au climat, et des pratiques environnementalement durables pour la gestion des terres.
Un projet au Ghana, financé par l’organisme Mennonite Economic Development Associates (MEDA), offrait des formations aux femmes sur les pratiques agricoles résilientes face au climat (usage du fumier, le composte, rotation des cultures et jardins en trou de serrure qui utilise moins d’eau). Ces innovations ont contribué à augmenter les rendements en saison sèche de 17 % en plus d’augmenter la résistance des cultures aux chocs climatiques. Les chercheurs ont constaté que les femmes formées respectaient encore ces pratiques plus de deux ans après la fin du projet.
Un autre projet au Ghana, financé par la Société canadienne pour nourrir les enfants, donnait aux femmes une formation générale sur les pratiques environnementalement durable et une autre sur la pisciculture. Les leaders communautaires voient maintenant à ce que les arbres ne soient pas coupés près des réservoirs d’eau et luttent contre l’érosion en plantant des arbres et de l’herbe près des rivages.
Les programmes comme ceux-ci - qui renforcent le pouvoir des femmes et qui investissent dans les pratiques agricoles résilientes face au climat - seront indispensables dans les décennies à venir alors que l’Afrique subsaharienne vivra l’impact du changement climatique rapide.
« Pour le Canada, la meilleure façon d’aider les pays vulnérables à se préparer, c’est par l’entremise des investissements en développement agricole », affirme Virginie Levasseur, coprésidente du Groupe canadien de réflexion sur la sécurité alimentaire et directrice des programmes à SOCODEVI.
Josiah Neufeld est écrivain. Cet article a été commandé par le Groupe canadien de réflexion sur la sécurité alimentaire. Pour lire les rapports et la version originale de l'article, cliquez ici
Le CECI est membre du Groupe canadien de réflexion sur la sécurité alimentaire et participe aux efforts de la coalition pour faire augmenter l’aide du Canada en agriculture.