Du 7 au 9 septembre s’est tenu à Montréal le Forum mondial de l’économie sociale. Quelques 1500 participants originaires de 62 pays sont venus réitérer leur engagement en faveur de l’économie sociale et solidaire et réaffirmer qu’« un modèle de développement économique qui place l’être humain au centre de l’activité économique, sociale et politique existe ». Deux représentants du Réseau national d’appui à la promotion de l’économie sociale et solidaire (RENAPESS) du Mali, partenaire de longue date du CECI, étaient présents pour l’occasion. Nous avons rencontré son président, Madani Koumaré.
Davantage de respect et de considération : voilà ce que Madani Koumaré réclame pour l’économie sociale et solidaire (ESS), et ce pour quoi il œuvre depuis des années dans son pays, le Mali, mais aussi sur la scène internationale (1). Inlassablement, l’économiste de 50 ans martèle son message : « il ne s’agit pas d’un secteur à part ni d’une économie au rabais ! répète-t-il. C’est une économie réelle, surtout dans nos pays. Elle constitue la réponse la plus adaptée pour les ¾ de la population des pays africains ! ».
Impliqué comme bénévole et responsable de programme au RENAPESS depuis sa création en 2003, Madani Koumaré est devenu président du mouvement en 2011. Le réseau regroupe aujourd’hui près de 70 organisations membres : associations, ONG, coopératives, mutuelles, mais aussi syndicats et fédérations, parmi les plus importants du pays - il touche plus de 3 millions et demi de personnes. Par ses actions qui cherchent par exemple à faciliter l’accès aux marchés ou à favoriser la concertation, le RENAPESS vise à renforcer les capacités d’action et les droits de ses membres, avec comme objectif ultime de faire avancer la cause de l’ESS.
Présent aux côtés du RENAPESS depuis sa création, le CECI soutient le mouvement par l’envoi de coopérants volontaires qui partagent leur expertise dans le cadre de mandats précis, mais aussi, en soutien à un projet particulier lancé en 2013 à Bamako, par l’octroi de fonds de garantie (au travers du fonds Armande Bégin) pour permettre à des femmes désireuses de démarrer une activité entrepreneuriale d’obtenir des prêts auprès d’établissements de crédit.
Cette expérience, présentée par Madani Koumaré à l’occasion d’un atelier lors du Forum, a permis à 1200 femmes d’accéder au micro-crédit et de bénéficier d’un suivi dans la mise en œuvre de leurs projets. Tout en se félicitant du succès de l’initiative, le président du RENAPESS a déploré qu’elle n’ait pu être reproduite ailleurs, en dépit de l’intérêt d’autres communes maliennes, faute de ressources financières suffisantes.
En octobre 2014 pourtant, après cinq ans de concertation et de lobbying, le Mali s’est doté d’une politique nationale d’ESS et d’un plan quinquennal d’action pour sa mise en œuvre. Le président du RENAPESS reconnait d’ailleurs volontiers que son pays est un protagoniste majeur de l’ESS en Afrique. « L’Etat a très vite compris que l’ESS était un secteur stratégique et une réponse à sa lutte à la pauvreté, donc il s’est montré très ouvert à l’élaboration d’une politique nationale explique Madani Koumaré. Par ailleurs, on s’est organisé en réseau très tôt, on a très vite mis en place un partenariat institutionnel avec l’Etat, qui par exemple a institué en 2000 une semaine dédiée à la promotion de l’ESS. Tout cela crée un terreau favorable ».
Certes l’adoption de la loi a amené des modifications législatives reconnait en outre l’économiste : il a fallu revoir les lois qui encadraient l’accès aux marchés publics, celles qui régissaient les coopératives, les harmoniser avec le droit africain, etc. L’adoption de la politique nationale a aussi eu pour conséquence la mise en place d’un système de financement plus pérenne ainsi que des actions de sensibilisation et d’éducation du public sur la réalité de l’ESS.
Mais Madani Koumaré se dit « loin d’être satisfait ». « La mobilisation des ressources financières pour la mise en place du plan est un défi majeur » affirme-t-il. Selon lui la crise politique et sécuritaire que traverse le Mali depuis le coup d’Etat de mars 2012 n’est en rien un frein à l’application du plan quinquennal. « Au contraire, le contexte est une opportunité car les victimes des évènements ont besoin d’être réinsérées. C’est une question de choix et de priorité politique. L’ESS n’est pas inscrite comme il faut à l’agenda politique pour prendre toute sa place » juge-t-il sévèrement.
Or dans les faits, insiste Madani Koumaré, les activités relevant de l’ESS sont omniprésentes: hors secteurs public et privé, les deux tiers des professionnels maliens travaillent dans cette économie - « on parle de tous ces gens qui sont dans l’artisanat, la menuiserie, l’agriculture, la pêche, le transport urbain, les métiers du bâtiment, etc. ». En milieu urbain on estime que l’ESS fait vivre dans le pays deux familles sur trois. « Qu’il s’agisse de l’emploi, la santé, l’approvisionnement, l’assainissement, l’habitat, tout est assuré par des acteurs de l’ESS affirme le président du RENAPESS qui s’est félicité de la présence au Forum du maire de Bamako. La vie urbaine est inimaginable et invivable sans l’intervention des acteurs de l’ESS ».
Le thème de ce 3ème Forum mondial de l’économie sociale, co-organisé par le Chantier de l’économie sociale et la ville de Montréal, portait précisément sur la collaboration entre les gouvernements locaux et les acteurs de l’économie sociale pour mieux relever les défis que pose le développement urbain actuel. « Une ville plus intelligente, équitable et durable est possible » ont réaffirmé avec force, à l’issue du Forum, les participants venus de 330 villes. Et ce, sans perdre de vue notre unique objectif a insisté Madani Koumaré: « que l’homme, toujours, soit le plus digne possible ».
(1) Il est aussi président du Réseau africain d’économie sociale et solidaire (RAESS) et membre du Réseau intercontinental pour la promotion de l’économie sociale et solidaire (RIPESS).
Du 7 au 9 septembre 2016, s’est déroulé le Forum mondial de l’économie sociale (GSEF), un événement rassemblant plus de 1500 personnes des quatre coins du monde pour discuter et travailler sur la collaboration entre les gouvernements locaux et l’économie sociale pour le développement des villes, co-organisé par le Chantier de l’économie sociale, et membre associatif du CECI.
À cette occasion, nous avons eu le plaisir d’accueillir 3 partenaires du programme Uniterra en provenance du Mali et de Bolivie, oeuvrant en économie sociale et solidaire. En plus de participer activement au GSEF, Madani Koumaré, Baba Cissé et Alicia Canaviri ont multiplié les rencontres avec des organisations québécoises pour échanger sur les façons de faire et renforcer les liens de solidarité.
Le programme Uniterra, mis en œuvre conjointement par le CECI et l'EUMC, est un programme canadien de coopération internationale qui fait figure de chef de file. Dans le cadre du programme, 600 volontaires contribuent chaque année au changement positif et durable vers un monde plus égalitaire, en consacrant de quelques semaines à deux ans de leur vie à un travail volontaire à l’international. Le programme permet aussi d’impliquer des Canadiennes et Canadiens et ainsi de jouer un rôle actif dans la lutte contre la pauvreté.