Parlez-lui des semestres suivis dans des universités au Chili ou en Suisse, alors qu’elle était étudiante à l’Université Laval de Québec, ou encore de son stage au Vietnam réalisé dans le cadre d’Étudiants Sans Frontières, le volet étudiant du programme Uniterra : Catherine Douville relatera avec bonheur et enthousiasme ses expériences vécues et vous racontera à quel point elles l’ont aidée à se construire, sur un plan tant personnel que professionnel. Abordez sa vie actuelle à Montréal, et la réponse fusera, quelque peu déconcertante : « Je ne m’y habitue pas ! C’est ici que j’ai connu mon plus grand choc culturel ! ».
La jeune femme de trente ans assure pourtant être comblée par son emploi actuel, qui a été à l’origine de son emménagement dans la métropole québécoise en décembre 2016 – elle œuvre au sein du Centre Intégré Universitaire de Santé et de Services Sociaux (CIUSSS) du Centre-de-l’Île-de-Montréal. En tant qu’agente de planification programmation et recherche, elle est notamment responsable des quelque 200 bénévoles au programme de déficience physique.
Mais Catherine Douville est une fille de région. Pas une fin de semaine ne passe sans que celle qui se revendique comme une « rurale engagée » ne retourne dans sa Mauricie natale, à Saint-Adelphe précisément, le village de quelque neuf cents âmes qui l’a vu grandir.
Son objectif est d’ailleurs on ne peut plus clair : regagner son coin de pays d’ici un maximum de cinq ans. Rejoindra-t-elle la compagnie forestière paternelle ? Créera-t-elle une structure de soutien ou de conseil, pour les jeunes notamment? « Une chose est sûre, assure la jeune femme en souriant, je prendrai soin d’y emmener qui je suis. Et l’engagement restera au cœur de ma vie et de mon action ».
L’engagement, Catherine Douville en a fait un pilier de son existence. Certainement influencée par des parents tous deux très impliqués dans leur communauté, celle qui a débuté sa carrière comme travailleuse sociale s’est toujours investie dans des activités bénévoles, auprès de différentes fondations ou associations. Expliquant avoir toujours eu en elle « cet intérêt pour l’autre » mais aussi « une certaine facilité dans la relation d’aide », Catherine se rappelle que cet altruisme était doublé dès son enfance d’un attrait prononcé pour l’étranger.
«Je voulais que mes parents adoptent des enfants d’une autre nationalité, se rappelle en riant la jeune trentenaire. Et je rêvais de devenir archéologue. Je passais de longues heures à la bibliothèque de l’école primaire à lire tous les livres que je trouvais sur l’Egypte ancienne. Je décalquais les hiéroglyphes afin de les apprendre et les comprendre. Je m’étais même trouvé un correspondant égyptien de mon âge! ».
Reste que le chemin entre Saint-Adelphe et le Caire est particulièrement long … « J’adore mon coin de pays, insiste Catherine Douville, mais il faut être honnête : vivre dans un petit village où il n’y a pas d’immigrants, sans réel contact avec d’autres cultures, ça n’est pas très propice à l’ouverture à autrui. Et en termes d’égalité femmes-hommes, de possibilités pour les jeunes, d’éducation, de transport … on pourrait parfois établir des parallèles avec certains pays en développement dans lesquels j’ai pu travailler, où l’on retrouve des réalités similaires, à des degrés bien différents bien entendu, assure-t-elle, un brin provocatrice. C’était encore plus vrai il y a 15 ans, mais ça l’est encore aujourd’hui » croit-elle.
Pourtant, via les études, les stages à l’étranger, les opportunités créées par la coopération internationale, beaucoup de choses sont réalisables, martèle Catherine Douville. « Ce n’est pas nécessairement aussi compliqué qu’on le pense, insiste-telle. On peut réaliser ses rêves. Il faut seulement oser et se permettre de rêver grand… ».
Inspirer ses pairs et « semer une graine », c’est ce qu’elle entend faire auprès des jeunes, en Mauricie notamment. Portée par la volonté de transmettre et désireuse de susciter le goût de l’engagement chez les plus jeunes, Catherine Douville intervient depuis bientôt trois ans comme conférencière dans son ancienne école secondaire de Saint-Tite.
Sensibilisation aux enjeux du développement international, de l’égalité des sexes, de la pauvreté, mais aussi à la nécessité et aux bienfaits de l’engagement : la jeune femme veut confronter les jeunes à d’autres réalités et susciter en eux l’envie d’agir et de s’impliquer, notamment en vantant les mérites de l’engagement comme outil de développement des compétences.
Lorsqu’en 2016 elle part 7 mois en Tanzanie, mandatée par le CECI et l’EUMC comme conseillère jeunesse et coordonnatrice du Séminaire international organisé chaque année par le programme de coopération internationale Uniterra, elle prend soin de maintenir un contact direct et régulier avec les étudiants et les étudiantes tout au long de la mission.
De cette première expérience en Afrique, qui a constitué « un véritable tournant dans (sa) vie », Catherine Douville parle avec enthousiasme.
« Chaque jour, j’étais amenée à sortir de ma zone de confort, se souvient-elle. Il y avait beaucoup de travail à réaliser en termes de réseautage, de partenariats à nouer, de rencontres à mener. Tout cela dans des coins reculés d’un pays culturellement très différent, le tout en anglais, et parfois en swahili ! Forcément, on sort grandie d’une telle expérience, avec une confiance nouvelle en ses propres capacités. Mais au-delà des bénéfices personnels que j’ai pu en retirer, c’est l’impact que ce séminaire a eu sur les jeunes participants qui m’a le plus impressionné. Constater comment ils ont pris confiance en eux et développé des habiletés, en seulement cinq semaines. L’engagement permet de développer une foule de compétences, améliore la connaissance et l’estime de soi et peut devenir par la suite le déclencheur de tout un tas d’opportunités. Ce séminaire a joué un rôle majeur et déterminant dans la vie de ces jeunes-là. On se demande parfois si on fait vraiment une différence … Dans ce cas, c’était absolument évident ».
Déterminée à mener de front un engagement à l’étranger et en région, Catherine Douville a intégré en octobre 2017 le conseil d’administration du CECI. Une manière pour elle de rester impliquée dans le domaine du développement international – en attendant, espère-t-elle, d’autres mandats.
Une façon aussi d’amener au sein des organismes de coopération internationale et de développement une perspective différente en y faisant valoir le point de vue des plus jeunes mais aussi des régions, trop souvent négligé selon elle. « J’ai moi-même été confrontée à ce vide, justifie Catherine Douville. J’aurai eu le goût de m’impliquer, mais il n’y avait aucun moyen de le faire. Même les collectes de fonds se faisaient à Montréal ! Or il y a beaucoup de gens en dehors des grands centres urbains qui aimeraient connaître le développement international, la coopération, et qui souhaiteraient s’impliquer. Et parmi eux de nombreux jeunes. Il est grand temps de décentraliser et de s’ouvrir aux régions ! ». Catherine Douville entend désormais y veiller.